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secs. Des rumeurs de tambours et de flûtes sortent des cafés clos. C’est la Tunis des burnous et des voiles, la Tunis orientale et secrète, celle qui résiste encore à l’invasion européenne, celle qui se résume dans le labyrinthe de ses bazars, dans le dédale de ses souks.

Ce souk de Tunis, d’ailleurs, n’est déjà plus purement oriental. La camelotte française, italienne et allemande s’y étale outrageusement. Malgré cela, il montre encore d’amusantes boutiques. On y trouve des tapis vivement et pittoresquement colorés, des étoffes aux curieuses bigarrures, des gazes légères, tramées d’argent ou des babouches de cuir ouvragé, des sparteries et des parfums. Certes, tout cela, transporté dans un magasin de Paris, ne nous tenterait guère, mais, dans l’ombre poussiéreuse et fraîche des longues galeries voûtées, toutes ces choses prennent une vie et un charme qu’elles n’auraient pas chez nous. Un peu du vieil Orient qu’elles évoquent et continuent est encore en elles et autour d’elles. Elles font songer à des caravanes et à des palais, à des minarets, à des coupoles, à des salles de faïence, à des danses, à des jardins où, dans les vasques des fontaines, flottent des roses cueillies et des têtes coupées. Elles ont je ne sais quoi de secret et d’attirant, de singulier et de lointain. Un antique mystère les habite.

C’est sans doute ce sentiment qu’a éprouvé Laure de Lérins, car, dans les promenades que nous avons faites aux souks, elle a acheté de nombreux objets. Elle ne résiste guère à la grâce sultanesque de telle