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qu’il faisait dans sa cabine, la crainte qu’il témoignait à chaque oscillation du roulis, sa peur comique de faire naufrage. Revêtu de nouveau de son complet vert, coiffé de son chapeau tyrolien, il pérore avec mépris contre le gros Antoine, tandis qu’à l’horizon grandit peu à peu dans l’air limpide la côte de l’Afrique rapprochée et inattendue.


Tunis, 13 juillet. — Rien de moins oriental, à l’abord, que Tunis. Le vaste lac aux eaux plates qui l’isole de la mer manque de pittoresque. Vue du port, Tunis n’a guère l’aspect d’une ville des Mille et une Nuits. Devant nous, s’allonge un quai grisâtre et poudreux. Çà et là, quelques arbres desséchés, des docks, des baraquements. Où donc est Tunis la Blanche ?

Elle existe cependant, cette Tunis arabe, mais elle se cache derrière la ville franque, derrière la ville à larges boulevards, à hôtels et à tramways. Elle existe, mais il faut, pour y pénétrer, avoir franchi sa haute porte à créneaux. Derrière cette porte, commence une contrée nouvelle. Des rues étroites et anguleuses longent des maisons blanches, se glissent sous des passages voûtés, aboutissent à des carrefours, se faussent à des impasses. Des silhouettes drapées et voilées y circulent énigmatiques et silencieuses. Sur des places ensoleillées, se tiennent des marchés de légumes et de fruits… Des petits ânes frappent le pavé pointu de leurs sabots