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— Eh bien ! mon cher, vous ne me faites pas de compliments. Avouez pourtant que j’ai le pied marin ! Quelle bourrasque ! Alors, comme je m’ennuyais dans ma cabine sans pouvoir dormir, je suis venue m’installer ici. Allons, asseyez-vous près de moi, mais ne me regardez pas, car le vent m’a plutôt décoiffée !

Elle me faisait place sur le divan, en remontant ses petits pieds, nus dans leurs mules de cuir vert. Ses beaux cheveux, aux nattes desserrées et ébouriffées, croulaient lourdement sur sa nuque. Sa robe, mouillée par un embrun, collait à l’un de ses genoux. Elle exhalait une odeur tout à la fois marine et voluptueuse. C’était le parfum de la Sirène ! Je m’étais assis auprès d’elle et je lui pris la main :

— Mais vous êtes trempée, Laure !

Elle se mit à rire :

— Ça, c’est vrai J’ai reçu un fameux paquet d’eau en arrivant sur le pont et j’ai été arrosée d’une belle façon. J’ai même reçu là ma première gifle, mais la mer ne me fait pas peur. J’ai déjà traversé deux fois l’Atlantique, en allant en Amérique et en en revenant. J’ai vu mieux, à la hauteur de Terre-Neuve. Ici, ce n’est qu’un petit coup de vent de rien du tout. Et puis sentez comme il fait tiède et doux. J’ai trop chaud.

Elle écarta l’écharpe dont elle était enveloppée. Elle portait une robe en étoffe légère et presque transparente et qui laissait deviner la forme de son corps. La mule verte se recourbait gracieusement