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aimés. Il y a des êtres que tout semblait éloigner de l’amour et que l’amour a magnifiquement favorisés.

Et toujours, j’en reviens à ce problème : comment me faire aimer de Laure ? Comment convertir en amour ce sentiment d’estime et d’amitié qu’elle a pour moi ? Comment opérer la transmutation magique ? Par quelle merveilleuse alchimie extraire le diamant du charbon ? Je suis comme quelqu’un qui se trouverait en présence d’un miracle à accomplir, et, pour le produire, ce miracle, je n’ai que mon amour. C’est lui qui doit convaincre Laure, ou, au moins, incliner vers moi sa pitié.

Sa pitié ! Hélas ! n’est-ce point peut-être là tout mon espoir ! Quand elle aura compris mon amour peut-être s’en laissera-t-elle toucher ? Qui sait même si elle ne la poussera pas, cette pitié, au point de me laisser croire qu’elle m’aime ?


En mer. Même date. — La nuit dernière, j’ai fait ce rêve. C’était dans des années… J’étais très vieux, très vieux, infiniment vieux. De cette vieillesse, je me rendais compte, je ne sais comment. J’habitais, dans une ville dont je ne sais pas le nom, une vieille, une très vieille maison. Tout cela, dans mon esprit était lointain, vague, indécis, mais cette ville devait être au bord de la mer. Oui, cette ville était au bord de la mer. On y respirait une odeur de sel et d’iode, et, dans cette odeur, dans cette iode, dans