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débouche sur la principale place de la petite ville, et soudain l’on se trouve en face de la cathédrale.

Ses lourdes portes de bronze étaient ouvertes et nous avons pénétré dans l’immense vaisseau. Des mosaïques en couvrent les parois, et sa concavité forme une espèce de grotte merveilleuse, à la fois étincelante et sombre, toute luisante de vieux ors, hantée de personnages hiératiques. De temps en temps, Mme  de Lérins en désigne un au bout de son ombrelle. La vaste nef est à peu près déserte. Parfois on y distingue l’écho d’un pas, d’une voix, puis le solitaire silence retombe. Mme  de Lérins marche devant moi. Tout à coup je la vois se diriger vers une petite porte pratiquée dans l’épaisseur du mur ; elle la pousse de son doigt ganté avec une exclamation de surprise…

Il n’est pas grand, ce cloître où nous venons de pénétrer, mais il est exquis de proportions et d’un pittoresque barbare et délicieux avec ses colonnes sarrasines, incrustées de parcelles de mosaïques. Dans le carré que forment les galeries, des fleurs croissent en un désordre charmant. Quelques piliers sont élégamment enguirlandés. À un angle du préau, au milieu d’une vasque de marbre, s’élève, isolée, inutile, paradoxale, une colonne torse. Elle ne soutient rien. Pourquoi est-elle là ? Dans la vasque tarie figure-t-elle le jet de l’eau absente ? Elle a je ne sais quoi d’énigmatique que nous serions restés longtemps à contempler si nous ne nous étions aperçus que le cloître donnait sur une terrasse, une étroite terrasse d’où l’on décou-