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j’aille prévenir Mme de Lérins. Je me dirige vers l’escalier des cabines. Au bas, dans le couloir tout est éteint et il règne une obscurité presque complète. J’ai poussé le bouton électrique et les brillantes ampoules se sont allumées. La lumière luit sur les parois laquées de blanc auxquelles sont suspendues des aquarelles reproduisant des poissons, des algues, des madrépores. C’est un couloir d’hôtel luxueux. La cabine de Mme de Lérins est au bout. En passant devant celles de Mme Bruvannes et de Mme Subagny, j’évite de faire du bruit. Ce que je fais est bien innocent et cependant je me sens furtif et gêné. Mon cœur bat. Me voici devant la porte de Mme de Lérins. Sans doute, elle est encore endormie. Comment la réveiller ? Vais-je frapper doucement ou frapper un coup délibéré. Je me sens pris d’une timidité singulière. Enfin, je me décide, je gratte légèrement ; je heurte plus fort. Rien. Probablement Mme de Lérins est profondément endormie. Le mieux serait peut-être de remonter sur le pont. Mais soudain je suis envahi d’un grand, d’un impérieux désir de la voir. Il me semble qu’il y a un temps infini que je suis loin d’elle. Je frappe un coup vigoureux. Une voix claire, joyeuse, me crie : « Mais entrez, entrez donc, monsieur Delbray, je ne suis pas encore tout à fait prête. » En même temps Mme de Lérins a ouvert la porte et je me trouve en face d’elle. Elle est vêtue d’une longue robe flottante et enveloppée d’un ample manteau de laine légère. L’électricité est allumée. La cabine a un air de fête. Du seuil, je la contem-