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per, de constater qu’il est à point, qu’il va tomber. Tout cela est très bien, évidemment, mais avoue qu’il faut des aptitudes qui m’ont plutôt manqué. Est-ce que j’avais le physique de l’emploi ? Est-ce que les gens de mon espèce peuvent manœuvrer ainsi ? Qu’est-ce que j’aurais gagné à me faire connaître ? Je te le demande un peu. Imagines-tu le gros Antoine Hurtin faisant le séducteur, déployant ses grâces ? On se serait moqué de moi. Alors j’ai pris l’autre parti, et il m’a si bien réussi que tu peux admirer où il m’a conduit.

Antoine Hurtin s’est arrêté en soupirant. Là-bas, au bout du yacht, Mme  de Lérins grimpait alertement sur la passerelle. Sa silhouette se détachait élégamment sur le ciel bleu. Je me suis levé. Je craignais qu’Antoine me parlât de nouveau de mon amour pour Mme  de Lérins. Je crois qu’il comprit ma pensée, car il se borna à ajouter avec un peu d’embarras :

— Écoute, Julien, il faut que je te dise une chose qui me tracasse depuis quelque temps. Il y a quatre ans, je n’ai pas été gentil pour toi, dans une certaine circonstance. J’ai eu tort, et j’espère que tu ne m’en veux plus. Alors, j’ai voulu, j’ai tâché… Enfin je serai heureux si j’ai pu contribuer en quelque chose à effacer définitivement ce vilain souvenir. Mais vas donc retrouver Mme  de Lérins, tu vois bien qu’elle te fait signe de la rejoindre sur la passerelle. Je t’ai assez rasé pour aujourd’hui, mon pauvre vieux !

Drôle de corps, que ce gros Antoine ! Ainsi, il