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pique stupide ou quelque sotte querelle. Tu me diras, certes, que mon expérience est sujette à caution, que je ne fréquentais pas des personnes très distinguées, ni du meilleur monde. C’est vrai, mais, vois-tu, au fond, c’est toutes les mêmes ; seulement, avec des donzelles, on a au moins la ressource de s’engueuler. Cette ressource-là, elle m’aurait manqué avec les femmes du monde, alors, je n’ai pas travaillé dans cette partie. Cependant, je ne suis pas sans en avoir pratiqué quelques-unes, mais ce qui m’en a dégoûté, ce sont leurs simagrées, leurs préambules, leurs marchandages. En amour, j’étais expéditif. À quoi bon tant de palabres ? Une femme n’est intéressante qu’au lit. Il faut toujours, n’est-ce pas, en arriver là ? Elles le savent bien, d’ailleurs, si bien même que, si l’on prend avec elles trop de ménagements, elles finissent par s’en offenser. Elles y voient un manque d’empressement qu’elles ne nous pardonnent pas. Et elles sont rancunières, les mâtines ! Alors, au dernier moment, quand vous avez bien tout préparé de longue main, lorsque vous vous êtes bien mis en frais de délicatesses, que vous croyez les avoir amenées doucement au point voulu, alors elles vous filent entre les doigts, vous tirent une révérence et vous éclatent de rire au nez. Et rien ne leur fait plus de plaisir que de nous jouer ce genre de tour. Elles adorent se payer notre tête. En amour, vois-tu, il y a un moment, et, ce moment, il ne faut pas trop le retarder, où l’on doit brusquer les choses, mettre de côté les beaux sentiments et les petites