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vas pas me dire que tu n’es pas amoureux de Mme de Lérins. Tu sais, j’ai l’œil pour ces choses-là. Tu aurais beau t’en défendre, je n’en croirais pas un mot. Tout abruti et tout gâteux que je paraisse, on ne me met pas dedans, sous ce rapport. Tu aimes Mme de Lérins, mon vieux ; la preuve, c’est que, depuis trois mois, tu la trimballes, tu es aux petits soins pour elle. Évidemment, tu es complaisant de ta nature, mais, tout de même, tu as dépassé un peu les devoirs de la politesse et de la complaisance. On n’accepte pas de servir, quatre fois par semaine, de cornac à une petite personne que l’on ne connaissait pas la veille, sans quelques arrière-pensées. Sans cela, tu aurais été un simple nigaud, parce que, vois-tu, promener une femme, rien n’est plus embêtant. Ces dames ne sont jamais prêtes, elles sont toujours fatiguées et pleines de caprices saugrenus. Elles nous rendent responsables de tout ce qui arrive de désagréable. Pleut-il, vente-t-il, c’est notre faute. C’est nous qui avons tort s’il fait trop chaud et qui sommes coupables s’il fait trop froid. Et puis, une femme, ça n’a aucune suite dans les idées. Soudain, elles ne veulent plus à aucun prix de ce qu’elles désiraient éperdument auparavant.

« Par contre, il leur prend tout à coup des envies inattendues que nous devons satisfaire sur-le-champ sous peine de passer auprès d’elles pour des malotrus… Oh ! quelle engeance ! Aussi je ne me rappelle pas une partie amusante qui n’ait été gâtée par quelque caprice de femme, par quelque