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en poussant son cri aigu. Mme de Lérins la suit des yeux et retombe dans sa rêverie. Elle semble heureuse et calme. À quoi songe-t-elle ? Quelles pensées naissent sous ce front gracieux ?

Sur l’esplanade, non loin de nous, il y a trois ou quatre arbres au feuillage maigre qui donnent un peu d’ombre. Un groupe de garçons et de fillettes s’y est réfugié. Soudain Mme de Lérins me les désigne du bout de son ombrelle.

— Regardez donc, Delbray, sont-ils amusants, ces bambins !

Je regarde. La scène en effet est comique. Trois des petites filles se sont affublées de grands voiles de mousseline blanche dont elles s’enveloppent la tête et qui les couvrent presque entièrement. Elles tiennent à la main chacune un bouquet de fleurs et s’avancent en minaudant et en faisant des saluts cérémonieux. Les garçons leur répondent par des salamalechs pleins de gravité et de prétention. Ils tiennent aussi des fleurs à la main. Puis, filles et garçons, ayant fini leurs simagrées, se prennent par le bras et se mettent à défiler d’un air pompeux et officiel, en tournant autour des arbres. À quoi jouent-ils ? À la réception de M. le Préfet ou au mariage ? Je crois bien que c’est au mariage. Le cortège est précédé par un gros bonhomme de sept à huit ans, qui, la culotte trouée, imite admirablement le bruit du tambour. Un autre mioche manie un bâton deux fois haut comme lui. Celui-là représente évidemment le personnage du suisse. Il est si drôle que Mme de Lérins se met à rire,