Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/244

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sur le nez du pauvre M. Gernon, qui doit alors rétablir l’équilibre instable de sa coiffure. Malgré cet inconvénient M. Gernon est très fier de son équipement. Il s’avoue aussi fort content de l’expédition marine qu’il a entreprise et qu’il appelle son « périple ». Il est très flatté de voyager en si élégante compagnie, aussi a-t-il l’intention de se conformer aux usages de la meilleure société. C’est pourquoi, ce matin, il est venu me trouver dans ma cabine pour me demander à quoi peuvent bien servir certains ustensiles de toilette dont il ignorait l’utilisation possible. Je l’ai renseigné de mon mieux et je lui ai montré comment on fait fonctionner la baignoire. Il a paru s’intéresser vivement à cette expérience et il a fort admiré l’ingéniosité des appareils. Néanmoins, il a laissé s’écouler l’eau sans témoigner aucun désir de prendre un bain. Là-dessus, il m’a confié qu’il aurait certes bien pu s’adresser au valet de chambre, mais qu’il avait préféré recourir à mes lumières. Il est décidé à réclamer le moins souvent possible les services du personnel, car il les faudrait reconnaître, à la fin du voyage, par des étrennes dont l’obligation commence déjà à le préoccuper. Le brave Gernon est terriblement avare. C’est d’autant plus inexcusable qu’il n’est nullement besogneux, m’a assuré M. Feller, qui connaît bien notre original.

Mme  de Lérins n’a pas été longue à se préparer et bientôt je la vois reparaître au haut de l’escalier, fraîche et pimpante. Elle porte une robe de toile bise et elle est coiffée d’un grand chapeau au-