Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.

5 janvier. — Il faisait, ce matin, un admirable temps d’hiver. À mon réveil, le ciel était si pur, si bleu, l’air si transparent, la lumière si neuve, le soleil si jeune, qu’instinctivement j’ai ouvert ma fenêtre. Soudain, la vivacité du froid m’a repoussé. Le froid, même le plus beau, a quelque chose d’hostile. Il écarte de lui, tandis que la chaleur nous attire à elle. La chaleur s’unit à nous en un contact intime ; le froid ne fait que nous environner. La plus radieuse journée d’hiver conserve je ne sais quoi de distant, de lointain. Plus tard, elle vit dans notre souvenir, sous une sorte d’émail translucide. Le plus clair visage de l’hiver est toujours aveugle et muet ; il nous regarde sans nous voir et ne nous parle pas, et cependant son aspect communique une sorte d’allégresse.

Cette allégresse s’est traduite en moi par un besoin de mouvement. Pour rien au monde, je ne fusse resté à la maison, même si quelque occupation importante m’y eût retenu. En des jours comme aujourd’hui, j’éprouve un brusque désir d’activité physique. Si, au lieu d’être un citadin, j’étais un campagnard, il me semble que je ferais seller un cheval et que je partirais au galop pour respirer à pleine gorge l’air lumineux et glacé. Des idées d’exercices violents me traversent la cervelle. J’aimerais suivre quelque chasse hurlante et brutale, ou bien, sur un vaste étang glacé, décrire de rapi-