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prix, je voulais être éclairée. Ce fut pourquoi je tentai l’expérience que je vous ai rapportée.

En vous la contant, mon cher Jérôme, je croyais sincèrement ne vous en avoir rien caché, et il en eût, certes, été ainsi si je n’en eusse appris, dès le surlendemain, certains détails que j’ignorais au moment où je vous écrivis. Permettez-moi donc à présent de compléter mon récit.

Vous m’aviez laissée, si vous vous en souvenez, pleinement rassurée sur mon compte et pleinement édifiée sur le sort de M. Delbray et de Madeleine de Jersainville. Je n’avais pas de doute qu’une entente rapide et agréable se fût faite entre eux. La pensée qu’ils étaient heureux à leur façon me satisfaisait extrêmement. Leur bonheur, probablement, serait court, mais réel. Cette idée m’amusa durant toute la journée du lendemain. Aussi, fus-je assez étonnée de recevoir, au moment où je me mettais à table pour dîner, un petit mot de M. Delbray. Il me transmettait la réponse télégraphique de M. de Kérambel, au sujet de la console à laquelle je ne pensais déjà plus, et il ajoutait qu’il partait le soir même pour aller passer quelques jours à Clessy-le-Grandval : Clessy-le-Grandval est une petite ville où habite la mère de M. Delbray. En y réfléchissant, ce voyage à Clessy était fort naturel. Il voulait dire adieu à sa mère avant de s’embarquer sur l’Amphisbène. Cependant, sa lettre avait quelque chose de contraint. Aussi, me demandai-je si cette lettre ne contenait pas un petit mensonge. L’annonce de ce déplacement n’était-elle point un prétexte pour ne pas venir me voir de quelque temps et pour s’assurer ainsi, avant le départ pour Marseille, une complète liberté ? La belle Madeleine de Jersainville n’était probablement pas étrangère à ce subterfuge qui me fit rire. Certes, je m’y prêterais bien volontiers. Cela