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avait fait un saint Georges ; de Jupiter, on avait tiré un saint Joseph, et ainsi de suite ! Pour plus de sûreté, au socle de chacune de ces statues déguisées, un écriteau indiquait sa nouvelle attribution. Ah ! que c’était donc naïf et gentil ! Du reste, en agissant ainsi, les braves religieuses de Sainte-Dorothée n’étaient-elles pas dans la tradition de la primitive Église ? Elle aussi transformait en images saintes les dieux du paganisme.

Ces changements étaient les seuls que ces dames eussent fait subir au jardin. Elles lui avaient conservé ses eaux, ses arbres, ses fleurs, et elles permettaient au bel été de l’embellir à sa guise. C’est là, mon cher Jérôme, que j’ai goûté son charme parisien, ce charme que je retrouve maintenant répandu sur la ville entière et qui lui donne je ne sais quel air de fête et de réjouissance. Ah ! ce Paris de mai, comme je pourrais bien vous en parler longuement et vous y promener en ma compagnie ! Je pourrais vous mener sur ses quais, sur ses boulevards, dans ses avenues ; vous dire comment, cette année, il s’habille, comment il s’amuse, ce qu’on y fait, ce qu’on y voit. Voulez-vous savoir la coupe des robes, la forme des chapeaux, quels bijoux l’on porte, de quelles étoffes l’on se vêt, quel est le couturier à la mode, quel est le pâtissier en vogue, quels sont les divertissements les plus recherchés ? Voulez-vous que je vous raconte les Salons, le Concours hippique, l’Exposition des Chiens ou celle des Indépendants ? Et les théâtres, ne vous en dirai-je rien ? On joue une comédie de Donnay et une autre de Capus et l’on ne sait vraiment pas laquelle est la plus parisienne des deux. Trois dames ont paru aux courses avec des tuniques transparentes et plusieurs hommes y ont arboré de magnifiques costumes romantiques. Voulez-vous savoir les maisons où l’on danse et celles où l’on flirte ? Je pourrai vous renseigner