Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/211

Cette page a été validée par deux contributeurs.

donc ainsi qu’il était ! Je vais profiter de l’occasion pour vous le décrire.

M. Julien Delbray n’est plus un jeune homme, puisqu’il a trente-quatre ans, mais cela ne l’empêche pas d’avoir ce qu’on appelle un « physique » agréable, sans qu’il soit un Adonis ou un Antinoüs. Sa figure n’est point laide et elle est ce que l’on nomme sympathique. Elle se compose d’un ensemble de traits qui n’ont rien de particulièrement remarquable par eux mêmes, mais qui produisent à eux tous une impression favorable. M. Delbray, par sa figure, n’attire pas l’attention, mais que l’attention, pour une raison ou pour une autre, s’y soit fixée, elle a de quoi s’y satisfaire, si elle n’est pas trop difficile. D’ailleurs, M. Delbray a de beaux yeux, ce qui est, pour un homme, l’essentiel. L’aspect de sa personne est distingué. J’ajouterai que M. Delbray a d’excellentes manières. Il sait entrer, sortir, saluer, se tenir. Il donne, dans tout ce qu’il fait, l’idée de quelqu’un de très bien élevé. Sa bonne éducation s’est greffée à une nature fine et délicate. M. Delbray cause bien. Il est instruit, affable, serviable et gentil.

Voilà, certes, mon cher Jérôme, des qualités. On les rencontre rarement réunies, et leur présence en M. Delbray justifierait le cas que j’ai tout de suite fait de lui et l’amicale confiance qu’il m’a inspirée dès que je l’ai connu. Rien n’est donc plus naturel que je me sois attachée à lui et que j’aie recherché sa société. La solitude où je vivais a favorisé l’intimité qui s’est rapidement établie entre nous. Cependant, ce que j’éprouve, pour M. Delbray, de sympathie et de reconnaissance n’explique pas le genre de pensée que je viens de me découvrir à son égard. Il est bien évident que, dans la scène qui s’est passée chez M. de Bergy, s’est produit ce que nous nommerons, si vous le voulez bien, un « fait nouveau ».