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sie et que nous leur demeurons liés, même quand cette passion est fort décrue et que nous en devrions convenir. Il arrive ainsi que nous nous obstinons sur un malentendu qui a souvent beaucoup de peine à se dissiper et dont nous souffrons, sans nous en rendre compte exactement.

C’est à ces inconvénients que remédie, selon Jacques de Bergy, la possession rapide, complète, libre à toute heure et à tout moment, de la personne que nous désirons. Grâce à ce procédé, rien ne vient fausser la notion de sa valeur amoureuse. Tout en l’appréciant à son prix, nous n’y apportons point de surenchère. Nous évitons la duperie fâcheuse à laquelle sont trop enclins les amants et qui les amène à une mutuelle équivoque, souvent prolongée en pénibles débats, aucun des deux ne voulant convenir de son erreur. Donc, en abordant l’amour avec netteté et en le traitant avec réalisme, il y a chance de s’épargner bien des ennuis, sans compter qu’une saine appréciation de l’amour n’empêche nullement de jouir de ce qu’il a d’agréable ou d’intense, et d’autant, ajoute Jacques de Bergy, que cet agrément et cette intensité ne sont pas faits pour durer. Laissé à ses vraies ressources, dépouillé de ses vains mirages, il s’épuise assez vite.

Une femme n’est pas matière à sensations infinies. Et il y a, entre toutes les femmes, de telles ressemblances amoureuses que l’on a assez vite goûté les particularités que chacune d’elles nous peut offrir. De plus, l’amour ne saurait être un