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d’autrefois. Avec cela, fort difficile à soigner. Cette situation désole Mme  Bruvannes, mais cela ne l’a pas empêchée de me recevoir avec sa bonté ordinaire. Quant à notre divorce, il l’étonne tout autant que l’avait étonnée notre mariage. De même qu’elle n’en revenait pas que vous m’épousassiez sans dot, elle ne peut comprendre que vous ayez consenti à vous séparer d’une aussi gentille personne que moi. Il est vrai qu’elle ne connaît pas Miss Alicia Hardington et qu’elle ne sait pas que je suis avantageusement remplacée.

Malgré ses tracas, Mme  Bruvannes s’est mise à ma disposition pour tout ce qui pourrait faciliter mon installation à Paris et m’a fait ses offres de service les plus aimables en les entremêlant de lamentations sur la santé de son neveu. Ah ! s’il n’avait pas mené cette vie absurde, s’il s’était marié tranquillement ! J’ai tâché de la remonter et de la raisonner de mon mieux. Je lui ai dit que ces états d’épuisement nerveux étaient assez fréquents chez nos businessmen américains et qu’une bonne saison de plein air en Suisse ou un fortifiant voyage en mer aurait raison aisément de cette dépression physique.

Nous en étions là, quand quelqu’un est entré dans le salon. Ce nouveau venu était un ami d’Antoine Hurtin, le seul, par caprice, qu’il consente à voir en ce moment et qui s’appelle M. Julien Delbray. Il est, d’ailleurs, fort bien et d’aspect agréable. Il paraît que c’est un garçon très gentil et très intelligent qui s’y connaît fort bien en bibelots et en meubles. Mme  Bruvannes, en me présentant M. Delbray, m’a dit qu’il pourrait m’être très utile dans mes projets d’installation, et elle m’a assurée de sa complaisance. M. Delbray m’en a assurée aussi fort poliment, mais d’un air quelque peu distrait, ce qui fait que je doute un peu, sinon de sa compétence,