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râtelier, passât périodiquement ainsi par les verges conjugales !

Sauf cette avanie, que j’ai supportée d’un cœur léger, toutes mes autres missives ont donc reçu bon accueil, et j’ai commencé immédiatement ma tournée. Je ne vous raconterai pas toutes mes visites, car certaines, pour utiles qu’elles fussent, manquèrent par trop d’intérêt, mais je veux vous en rapporter quelques-unes dont le récit vous amusera peut-être. Je vous emmène donc chez la duchesse de Pornic-Lurvoix, à l’accueil de qui j’attachais quelque importance. Mes parents ont eu avec elle des relations suivies, car mon père avait été officier d’ordonnance du général duc de Pornic-Lurvoix. Après la mort de mon père, le duc et la duchesse avaient coutume de marquer à ma mère une certaine considération. Aussi tenais-je fort à renouer avec eux. La duchesse venait justement de rentrer à Paris, de son château de Lurvoix, dans l’Eure, et de se réinstaller dans son hôtel de la rue de Beaune. De sa grosse écriture de curé de campagne, la duchesse m’avait mandé qu’elle me recevrait, le jour qu’il me plairait, sur les deux heures.

Je fus exacte au rendez-vous.

L’hôtel a vraiment grand air, avec son portail sommé de deux sphinx et sa cour circulaire coupée en croix par un dallage de pierre grise. Le bâtiment, dans le style de Gabriel, est d’un aspect noble, mais il ne le faut voir qu’à distance. Dès le vestibule, qui est vaste et de belle proportion, la déception commence. La duchesse de Pornic-Lurvoix, qui a été douée par le ciel de toutes les vertus, a été affligée d’un goût atroce par lequel elle est arrivée à gâter, autant qu’elle l’a pu, cette belle demeure et, le plus singulier, c’est qu’en accomplissant ce meurtre elle a cru s’acquitter d’un devoir de