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vante. Je n’aurai pas, non plus, logis dans ces sympathiques maisons qui entourent le jardin du Palais-Royal et qui le dominent de leurs balcons à vases sculptés. Il ne faut pas davantage que vous m’imaginiez dans quelque digne et morose immeuble du quai Malaquais, pas plus que dans quelque vaste et élégante bâtisse de l’avenue du Bois. Ce n’est ni aux alentours du Luxembourg, ni au cœur du faubourg Saint-Germain que Laure de Lérins fixera ses pénates. Des raisons diverses en sont la cause, dont la principale est que de pareilles locations eussent trop fortement entamé les ressources de mon budget. Cette constatation faite, j’ai donc dû me rabattre sur des emplacements plus modestes.

Comme j’hésitais entre la rive droite et la rive gauche, j’ai eu un moment l’intention de départager mon incertitude en élisant domicile dans l’île Saint-Louis. J’avoue que la charmante singularité de ce vieux quartier me tentait passablement. Je m’y promène souvent et c’est un de mes « rêvoirs » favoris. Je l’aime beaucoup. Il forme dans Paris comme une petite province insulaire qui a son charme original et particulier. Je ne puis pas m’imaginer que l’île Saint-Louis dépende de l’administration municipale. Non, je ne puis me résoudre à ne pas considérer l’île Saint-Louis comme un État indépendant, jouissant de privilèges et d’autonomie. Elle est pour moi une sorte de Val-d’Andorre, une espèce de République de Saint-Marin, une manière de Principauté de Monaco. Elle doit être pourvue d’un statut indépendant. On y doit vivre avec des mœurs et coutumes strictement locales. On ne m’enlèvera jamais la persuasion que l’île Saint-Louis a un gouverneur, et que ce gouverneur habite l’hôtel Lauzun, un évêque, et que cet évêque a pour évêché l’hôtel Lambert, un grand juge, et que ce magistrat réside à l’hôtel de Bretonvilliers. Tous ces