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m’apercevais bien que je ne produisais pas sur elle une trop mauvaise impression. Ma tenue et mon habillement prouvaient que je n’avais pas entièrement perdu mes qualités si françaises de décence et de tact. Ma tante s’attendait à me voir vêtue d’une de ces toilettes tapageuses, comme en arborent trop souvent les mamans des petites élèves américaines à leurs visites transatlantiques au parloir de Sainte-Dorothée. Au lieu de cela, j’étais vêtue avec goût et simplicité. Quel dommage que je fusse divorcée ! Sûrement, la mère Véronique pensait qu’il était bien regrettable qu’un veuvage opportun ne m’eût évité la sottise que j’avais commise. Hélas ! mon cher Jérôme, la mère Véronique vous eût sacrifié bien volontiers aux intérêts de la religion et de la morale !

Ces préliminaires échangés entre ma tante et moi, je vis bien vite où elle en voulait venir. Un second point la préoccupait. Avais-je ou non l’intention de me remarier ? Ma tante tenait beaucoup à être fixée à ce sujet. Certes, le divorce est toujours une grave atteinte aux lois divines, mais cependant il y a divorce et divorce, et une séparation, même voilée sous le prétexte de convenance mutuelle et de consentement réciproque, peut cacher certaines excuses. Les hommes sont si fourbes, si brutaux ! Les bonnes Mères, bien que les connaissant assez mal par elles-mêmes, n’ont pas pour eux grande estime. Les pauvres femmes ont parfois bien à souffrir et le mariage n’est pas toujours un paradis ! Il y a donc des cas où les torts d’une divorcée s’atténuent singulièrement et où on les lui peut presque pardonner. Seul, demeure inexcusable le cas de remariage. Là, le scandale s’ajoute au scandale. Une divorcée qui se remarie risque de perpétuer son péché, de lui donner une postérité.

De nouveau, je pus rassurer la mère Véronique et la