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elle est d’esprit subtil et médiocre, elle en tire des déductions infinies.

Malgré cette prévenance, l’accueil, comme je m’y attendais, fut plutôt froid. Ah ! je n’en accusai pas ma pauvre tante. Elle avait reçu certainement des instructions à cet égard et elle était trop bonne religieuse pour faire autrement que de s’y conformer. Sa réserve commandée était parfaitement explicable. J’étais, en somme, je vous le répète, le déshonneur du couvent. Mon cas était sans excuse. Songez donc, une petite fille qui, grâce à la parfaite éducation reçue à Sainte-Dorothée, qui, grâce au renom mondial de cette pieuse maison, avait eu la chance remarquable d’être épousée sans dot et qui, au bout de cinq ans de mariage, vous revenait d’Amérique divorcée, et divorcée, ce qui pis est, sans torts graves de l’époux ! Cette nuance, et plusieurs autres, ma tante me les faisait sentir dès l’abord, par la façon même dont elle semblait se tenir à distance de moi. Ne doit-on pas montrer une juste sévérité envers une personne qui non seulement a compromis sa situation mondaine, mais encore sans doute sa situation matérielle, car, enfin, qu’allais-je devenir maintenant ?

Sur ce dernier point, je pus rassurer aisément la mère Véronique et ce fut par ce sujet que notre conversation commença. Ma tante parut fort satisfaite des assurances que je lui donnai. Elle poussa un soupir de soulagement comme si je lui enlevais un grand poids de dessus la poitrine. Après quoi, elle croisa les mains sur son petit ventre rond et me considéra avec une certaine bienveillance. Évidemment, j’étais toujours une divorcée, en dehors maintenant du giron de l’Église, mais je n’étais pas une divorcée pauvre. Il y a là, même pour les âmes pieuses, une petite différence et ma tante n’y était pas insensible. Malgré tout ce qu’il y avait à dire, je