Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ne nie pas et que j’ai éprouvés comme d’autres. Quelquefois déjà, j’ai confié ma pensée au papier ; j’ai tenté de la formuler avec des mots. Si je fouillais dans mes tiroirs, j’y découvrirais bien quelques anciens griffonnages, dont les feuillets jaunis attesteraient la date déjà lointaine. Pourquoi n’essayerais-je pas de reprendre cette habitude ? Le gros cahier de Neroli m’y invitait… J’ai obéi…


3 janvier 19… — Depuis trois jours, j’ai employé la plus grande partie de mes journées à des courses indispensables. Me voici donc en règle avec autrui. Par un hasard dont je ne me plains pas, je n’ai rencontré aucune des personnes chez qui je me suis présenté. Cependant, j’eusse aimé à serrer la main de Jacques de Bergy. L’absurde mélancolie, à laquelle je m’abandonne depuis deux mois, m’a fait négliger cet ami, qui est un ami charmant. Aussi, ai-je ressenti une déception, quand le domestique m’a dit que M. de Bergy était absent ; mais, au bout d’un instant, cette déception s’est changée en plaisir. Jacques de Bergy ne quitte son atelier et ne s’éloigne de Paris que lorsqu’il a ce qu’on appelle « une nouvelle passion ». Car, dès que Jacques change de maîtresse, son premier soin est de mettre la clef sous la porte et d’aller se terrer quelque part, pour un temps plus ou moins long, avec l’idole du moment. C’est