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eu le courage de vous en avertir. Je fus aidé à cette détermination par l’arrivée de Miss Hardington. Dès que Miss Hardington se fut s’installée à Burlingame et que je commençai à la connaître un peu, j’ai tout de suite compris l’avertissement que me donnait sa présence. Alors, j’ai fait des comparaisons et j’ai réfléchi. Il ne m’a pas fallu longtemps pour découvrir ce dont je me doutais déjà. La femme qui vous aurait convenu, mon cher Jérôme, ce n’était pas moi, c’était Miss Hardington. Une Miss Hardington eût été capable de s’intéresser à vos affaires, de vous y conseiller, de vous y seconder. De plus, son énorme fortune vous aurait fourni le moyen de développer toutes vos facultés. Quel appoint admirable, quel merveilleux levier à votre effort intelligent ! Une vérité indiscutable me frappait. C’était par une union avec Miss Hardington que s’ouvrait la véritable voie de votre destinée. Je me serais crue coupable de vous faire manquer cette magnifique occasion. Dès lors, mon parti était pris. J’étais résolue à vous procurer cette chance unique. J’y ai réussi. Votre mariage avec Miss Hardington est maintenant, je l’espère, une chose accomplie.

Si je suis certaine que vous m’en êtes à présent reconnaissant, je dois reconnaître, mon cher Jérôme, que vous ne vous êtes pas laissé convaincre sans résistance. Cette attitude a contribué, du reste, à l’estime et à l’amitié que j’ai gardées pour vous. Mes premières ouvertures furent fort mal accueillies. À l’idée de notre séparation, de notre divorce, vous vous êtes fort gentiment, fort galamment, fort sincèrement révolté. Ce mouvement fut même si sincère que vous en avez repris pour moi l’ancien attrait physique dont vous vous étiez quelque peu déshabitué. Je me prêtai de bonne grâce à cette suprême expérience et nous connûmes une seconde lune de miel qui n’eut rien pour moi de désagréable. De son côté,