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haitait de moi un moment d’entretien, et cette nouvelle me fut plutôt agréable. J’ai de la sympathie pour ce brave petit Siennois. Il est toujours accompagné dans mon souvenir des belles images que j’ai conservées de sa ville guerrière et féodale, de sa ville aux durs palais et aux fraîches fontaines, où j’ai été jadis presque heureux.

Et Pompeo Neroli bénéficie de ces circonstances déjà lointaines. C’est à elles qu’il dut les petits services que j’eus plaisir à lui rendre, quand il vint chercher du travail à Paris. D’ailleurs, Pompeo Neroli mérite l’intérêt qu’il m’inspire. Il est habile dans son métier et ne manque pas d’un certain goût. Certes, je n’aurais peut-être pas toute confiance en lui pour ce que l’on appelle maintenant des « reliures d’art », mais il excelle à vêtir un volume d’un bon parchemin souple ou à le couvrir de ces papiers, aux couleurs vives et aux dessins amusants, qui font de gentilles robes aux ouvrages que l’on veut habiller à peu de frais. Ces reliures sans prétention, Pompeo Neroli les réussit fort bien ; aussi me fut-il facile de lui procurer quelques clients, de telle sorte que le brave garçon me considère un peu comme son patron et son protecteur. Ce sentiment, du reste, ne va pas, de sa part, sans quelque familiarité, si bien que Neroli n’hésite guère, lorsque le travail lui manque, à venir me demander si je n’en ai pas à lui donner, ce qui ne l’empêche pas de l’abandonner avec un aimable sans-gêne pour satisfaire à des tâches nouvelles et plus urgentes.