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éternel, ni éternelle fidélité. Elle s’est donnée à moi avec simplicité et s’est reprise avec candeur. En devenant ma maîtresse, elle savait bien m’être agréable ; en cessant de l’être, elle ne croyait pas devoir me causer un réel chagrin. En ces deux circonstances, il lui semblait agir selon la vie. Qu’ai-je donc alors à lui reprocher ? Au contraire, ne lui dois-je pas quelques charmants souvenirs ? Le cahier de Neroli a bien le droit d’en retenir quelques-uns, puisque c’est à Sienne que j’ai rencontré Juliette P…

Ce fut à Sienne, en effet, que mon ami Robert Néral me présenta. Juliette voyageait sans son mari, escortée d’une vieille femme de chambre. Dès l’abord, elle me plut. Elle était gaie, naturelle, jolie. Elle devait quitter Sienne, le lendemain, et nous convînmes de nous retrouver à Vérone, où elle allait passer une semaine et peut-être plus. J’avais feint que Vérone fût sur mon itinéraire. En réalité, je me détournais de mes projets primitifs. Mme P… ne pouvait guère avoir de doute à cet égard, mais elle ne laissa paraître aucune surprise et sembla se féliciter du heureux hasard qui nous permettrait de nous revoir bientôt.

C’est de Vérone que nous sommes allés, Mme P… et moi, passer une journée à Vicence. Nous voulions y visiter la villa Valmarana. Je me souviens qu’il faisait, ce jour-là, un temps très gris et doucement tiède. La voiture montait la route qui mène à la Madonna del Monte et par laquelle on va à la villa. La vieille Sophie, qui nous servait de