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lège, dans la voiture même de Mme  Bruvannes. Quelque temps après, lors de la procession de la Fête-Dieu, qui se faisait en grande cérémonie dans le jardin et dans les cours du collège, Mlle  Largé s’y montra habillée en homme. Le scandale fut trop fort et Antoine dut être renvoyé.

J’en éprouvai un vif regret. J’aimais beaucoup Antoine Hurtin. Ma mère, avertie par les confidences désolées de Mme  Bruvannes de la conduite de son neveu, ne me le laissait plus fréquenter que le moins possible et ce ne fut que plus tard que nos relations reprirent. Ma mère avait assez confiance dans ma raison et mon bon sens pour ne pas craindre que j’imitasse la conduite du jeune Hurtin. D’ailleurs, je n’en avais guère les moyens. Nos situations de fortune étaient trop différentes pour que je pusse le suivre dans l’existence qu’il menait. Antoine, devenu alors, par la mort d’un vieux parent, le baron Hurtin, passait son temps avec des femmes de théâtre et des cocottes chic. Il chassait et faisait courir. Le baron Hurtin était une des figures de la haute noce parisienne. Il faisait partie d’une « bande » dont il était le boute-en-train. On s’amusait fort, dans la bande Hurtin. Parfois, on montait sur une impériale d’omnibus et l’on jetait des œufs pourris sur les passants. Un jour, à la suite d’un pari, l’un de ces messieurs souffleta en pleine rue un vieillard inoffensif qui se trouva être un ancien ministre de la justice !

Je n’avais aucune envie de prendre part à ces folies stupides. Néanmoins, je voyais Antoine Hur-