Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/90

Cette page a été validée par deux contributeurs.
78
l’abbaye d’évolayne

des paroles oiseuses. Elle reprit, voyant qu’il ne l’aidait pas :

— Je constate depuis quelque temps que mon mari n’est plus le même. Je ne le comprends pas bien Hier il m’a beaucoup affligée…

Elle s’embarrassa. Ses yeux étaient pleins de larmes. Le moine se taisait toujours. Il n’attachait nulle importance aux vagues anxiétés du cœur, aux conflits sentimentaux dont s’inquiètent les femmes. Elle sentit qu’elle devait, pour l’intéresser, s’exprimer d’une façon plus précise.

— Puisque vous dirigez Michel, dit-elle, ne trouvez-vous pas que son exaltation dépasse la mesure ?

Le père Athanase la savait prompte aux revirements. Il crut que sa piété se lassait déjà au contact d’une ferveur plus égale et plus ardente : — Je ne vois pas trace d’exaltation chez Michel, dit-il fermement. Tout être vraiment généreux — il est de ce nombre, — lorsqu’il se donne, se donne sans réserve. Dieu ne demande pas, comme un mendiant, une parcelle de l’âme, la plus petite, la plus médiocre, mais l’âme tout entière.

— Pardon, reprit-elle avec une angoisse croissante, les voies ne sont pas les mêmes pour tous. Que Dieu vous ait tout demandé à vous, qu’il avait choisi pour être son prêtre, rien de plus normal, mais ceux qui ne sont pas appelés au sacerdoce ont des devoirs humains, des affections naturelles dont Dieu ne peut leur réclamer le sacrifice.

Cette fois, le moine l’approuva d’un signe. Elle poursuivit, encouragée :