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l’abbaye d’évolayne

vengeance et la loi du talion. Hier encore cela m’était permis. Maintenant me voilà obligée d’être une épouse modèle. Vous verrez comme je serai obligeante, aimable, douce, douce, suave…

— J’en accepte l’augure.

— Vous ne semblez pas convaincu.

— Non, je connais votre humeur changeante !

— La vôtre est bien devenue égale, constamment sereine. Et, à vrai dire, Michel, je n’aime guère votre patience, elle m’a excédée ces jours-ci. Je vous permets encore de vous mettre en colère et si vous voulez bien me le permettre aussi…

— Oh ! nullement, nullement ! Je veux une femme douce et suave. Vous m’avez rassasié d’amertume.

— Allons-nous vivre sous un ciel toujours sans nuages, dans la monotonie de la vertu parfaite et de la parfaite harmonie ? Il me semble que ce sera très ennuyeux.

— Vous avez des opinions subversives.

— Vous croyez ? alors je me tais.

Ces insignifiants propos leur semblaient ravissants. Leur bonheur se changeait en gaieté, non point exubérante, nerveuse, vite lassante comme toute gaieté profane, mais si profonde, si émue, que parfois, au milieu d’un éclat de rire, ils se regardaient, les larmes aux yeux.