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IV

Elle se mit volontairement en retard pour le déjeuner, sachant que Michel détestait l’inexactitude. Il l’attendait, assis sous une tonnelle, devant l’hôtel, et ne lui fit aucun reproche, car il vit du premier regard qu’elle ne lui revenait pas apaisée. Son visage était calme, mais dans ses yeux, comme dans ceux des fauves en cage, brûlait une fureur durable, une indignation sans déclin opposée à l’offense inexpiable.

Les efforts que fit Michel pour engager une conversation quelconque furent vains. Par la brièveté de ses réponses, elle refusa toute réconciliation, même apparente :

— Vous avez fait une belle promenade ?

— Très belle !

— De quel côté ?

— Par là.

— Vous avez été loin ?

— Assez.

— Vous vous êtes assise ?

— Un peu.

Il s’énervait visiblement. Ses narines se gonflaient. Une veine à sa tempe bleuissait, devenait saillante. Elle connaissait bien ces signes de colère. Il murmura entre ses dents :