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l’abbaye d’évolayne

être qu’on vient d’outrager… Mais dites, dites quelque chose… je puis vous entendre…

Il reprit d’une voix posée et très douce :

— Je ne vous reproche rien, Adé. Je comprends la peine que j’ai dû vous faire. J’aurais voulu partager avec vous ce grand secret ineffable de ma conversion et j’imagine votre saisissement lorsque vous l’avez découvert tout à l’heure. Mais le travail de la grâce est une chose mystérieuse, incommunicable, qui serait resté pour vous incompréhensible. Vous auriez demandé des explications. Qu’aurais-je pu vous dire ? Dès le premier soir de notre arrivée, j’ai été foudroyé. Vous avez pensé que je priais par respect pour les moines, sympathie envers la religion. Non. J’ai prié parce que ce Dieu qui vous restait caché, je l’avais senti vivre en moi, présence indéniable, éblouissante. On n’explique pas un miracle, on dit : venez et voyez. Si le miracle est intérieur, cela même n’est pas possible. Cette blessure que je portais dans mon cœur, vos yeux humains ne pouvaient pas l’apercevoir. Je me suis tu, m’appliquant seulement à garder ce trésor qui pouvait m’être enlevé. J’ai dû m’examiner sérieusement, chercher à mon tour celui qui m’avait cherché, fortifier ma foi, prendre enfin parti. Un tel revirement ne s’opère pas dans le bruit des paroles, des discussions. Ah ! si vous aviez été frappée comme moi, si nos deux conversions avaient pu s’accomplir en même temps ! Je n’ai pas cessé de demander à Dieu cette grâce. Aucun signe, hélas ! ne me permettait d’espérer qu’elle me serait accordée. Avant de m’enfermer à l’abbaye pour y redevenir chrétien, j’ai prié le père Athanase de vous examiner. Il m’a dit : « Elle n’est pas hos-