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l’abbaye d’évolayne

très sérieusement cette religion qui rendait tant d’hommes heureux et passât des journées à compulser dans la bibliothèque abbatiale les livres de théologie ou d’histoire de l’Église. Pour elle, plus attirée par ce qui touche le cœur, l’imagination, les sens que par ce qui s’adresse seulement à l’intelligence, elle s’intéressait surtout aux rites, aux cérémonies, à la liturgie, suivait assez régulièrement les offices. Michel n’assistait plus avec elle à la messe conventuelle, mais, chaque matin, alors qu’elle s’attardait encore au lit, il montait de bonne heure à l’abbaye pour les messes basses qu’il trouvait plus belles, plus émouvantes que la grand’messe. Un jour, réveillée plus tôt que de coutume, elle l’entendit partir. Le désir de lui faire une surprise fut plus fort que sa paresse. Elle se leva, s’habilla rapidement et sortit un peu après lui.

Elle gravit la route d’un pas allègre, car l’air frais et fort la portait et son âme se dilatait sous la joie du matin. Le ciel, traversé de part en part par les coulées d’or du soleil, était pâle et resplendissant. Le vent agitait les feuilles et, des herbes, des taillis montait la rumeur de mille petites vies turbulentes : bourdonnements, pépiements qui se fondaient, semblait-il, en un seul chant de gloire, comme si chaque créature, éperdument, se louait d’exister.

Au premier abord, quand elle y entra, l’abbaye paraissait vide. Le grand autel du chœur, réservé aux cérémonies était désert à cette heure. Mais dans toutes les chapelles du pourtour, mortes au milieu du jour, un moine officiait, servi par quelque novice ou par quelque frère convers. À gauche, au