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l’abbaye d’évolayne

un sourd ébranlement dans les nues, sous la terre annonçant l’effondrement de cet asile où elle vivait. Elle se leva précipitamment :

— Mon père, si vous le voulez bien, nous ne parlerons plus de ces choses.

Il la regarda une dernière fois avec une tristesse profonde :

— Comme vous avez peur du vrai, dit-il.

Tout le jour elle garda en elle un sourd malaise dont la cause exacte lui échappait, qu’elle attribua au dépit d’avoir trouvé un juge dans l’homme qu’elle croyait son ami. La sévérité du père Athanase l’avait blessée et elle s’en plaignit à Michel. Celui-ci, au lieu de partager ses sentiments, défendit le moine :

— Convenez, Adé, que son attitude était absolument normale. Pouvez-vous exiger de ce prêtre, épris d’une vérité à laquelle il a tout sacrifié, l’impartialité aimable qui caractérise l’indifférence. S’il avait pour votre incrédulité la même sympathie indulgente que vous accordez à ses croyances, sa vie serait dépourvue de sens et il n’aurait plus qu’à jeter le froc aux orties. Pour lui, l’univers où nous sommes est un champ de bataille où il doit combattre sans cesse pour la cause de Dieu, où sa charité même ne peut faire grâce à l’erreur.

En quelques mots, très simplement, il expliquait ainsi le conflit dont s’étonnait Adélaïde, lui montrait ses torts. Elle les reconnut loyalement. Plus sage, moins exigeant qu’elle, Michel dans ses rapports avec les autres cherchait toujours à comprendre sans demander qu’on le comprît. Il possédait au plus haut degré la faculté de se mettre à la place des êtres qui lui ressemblaient le moins