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l’abbaye d’évolayne

qu’à lui plaire. Leur entente devenait de jour en jour plus parfaite et, voyant qu’ils n’avaient plus déjà qu’une même pensée, un même cœur, ils aspirèrent à confondre pour toujours leurs deux vies.

Rien ne manqua à leur bonheur, pas même cette plénitude qu’y ajoute la souffrance. Ils se marièrent le 27 juillet 1914. Ils s’aimèrent dans un monde en travail de désastre. Ils s’unirent, ayant au cœur l’angoisse de la séparation prochaine, peut-être éternelle. Mobilisé dans le corps sanitaire, Michel partit le 4 août.

Et l’attente recommença pour Adélaïde, non plus, comme dans sa jeunesse, l’attente vague d’une joie mal définie, mais celle d’un bonheur précis, par cela même impossible à remplacer, l’attente d’un seul être que la mort menaçait nuit et jour. Il revint plusieurs fois, pour des permissions hâtives, elle ne le retrouvait que pour le perdre et le pleurait alors qu’il était encore dans ses bras.

Quand la paix les rendit l’un à l’autre, Adélaïde avait pris l’habitude de l’inquiétude. Ce fut un bien pour son amour qui, se croyant toujours en danger, garda toute sa force. Peut-être se fût-elle avoué la déception qu’éprouve toute créature en atteignant l’objet de son désir, si quelque chose ne l’avait avertie que Michel ressentait plus encore qu’elle-même cette désillusion. Elle savait bien qu’aucune autre femme ne comptait pour lui. En dépit des orages qui naissaient souvent du choc de leurs natures trop pareilles, trop impérieuses, il y avait entre eux une amitié parfaite, un rapport profond de goûts et de pensées. Le sourd désaccord qui les divisait parfois provenait