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l’abbaye d’évolayne

Il écoutait avidement les paroles de son ami :

— Paix sur elle, disait le père Athanase. Savons-nous ce qui se passe là où elle est, seule avec Dieu dans l’intimité totale de la dernière heure ? Aidez-la par vos prières, comme chrétien, comme époux, surtout comme prêtre, car il ne se peut pas que votre sacerdoce ne soit pas en cet instant d’un prix infini pour elle.

Jamais âme prête à paraître devant Dieu ne fut secourue par des intercessions plus ferventes. Le père Stéphane, perdu de douleur, ne jetait vers le ciel qu’un cri silencieux, toujours le même : « Grâce, pitié, j’expierai pour elle, moi seul suis coupable. » Le père Athanase, plus lucide, tendu dans un formidable effort, luttait en athlète contre toutes les puissances du mal, supportait sans faiblir leur dernier assaut et, se substituant à la créature expirante, jetait dans la balance du Juge suprême toute sa vie. Mais, bien qu’elle fût riche en bonnes œuvres, il la comptait pour peu de chose. L’homme pur s’effaçait devant le prêtre qui disposait d’un trésor infini : le sang de Jésus-Christ, offert par lui chaque matin sur l’autel. Il assiégeait Dieu d’une prière tranquille, tenace, irrésistible, humble et pleine de certitude.

Et pendant très longtemps rien ne changea dans la chambre, La vie et la mort pesaient avec une égale violence sur le corps qu’elles se disputaient et Michel, embrassant étroitement ce corps, tressaillait avec lui, cependant que la prière obstinée du père Athanase, allant de son cœur à ses lèvres comme le courant du sang, se continuait, se répétait sans fin. Tous trois étaient prisonniers d’une angoisse incommunicable. Leur douleur fixe, sans