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l’abbaye d’évolayne

n’avait pour but en la soignant que le soulagement, non la vie. Ses traits vieillis et contractés exprimaient une obstination morne : la volonté de supporter jusqu’au bout, de ne point manquer au devoir d’assistance qui était son dernier devoir. Penché sur le lit, il regardait fixement cette chair qui subissait la destruction, ce visage déjà méconnaissable, ce cœur par lui brisé et sans doute cherchait-il à distinguer sous le voile des apparences, le feu mourant de l’âme. Le père Athanase demanda :

— Avez-vous pu la confesser ?

Il secoua la tête en répétant les paroles d’Adélaïde :

— Elle m’a dit : « À quoi bon, je vous prendrais pour Dieu. »

Et défaillant, la voix tremblante, il expliqua :

— Elle s’est sacrifiée pour moi… elle est entrée au cloître sans vocation… pour servir la mienne… elle affirme n’avoir jamais adoré… adoré que moi !

Le père Athanase fit un geste d’effroi. Michel, bien qu’il n’espérât rien, pas plus comme prêtre que comme médecin, supplia :

— Peut-être pourriez-vous, mieux que moi, l’éclairer. Parlez-lui. Par moments elle est lucide.

L’un de ces moments était venu. Le mal faisait trêve. Adélaïde sortait de la stupeur qui avait succédé au délire. De nouveau ses yeux s’ouvraient, des yeux terribles qui dévoraient tout le visage mais qui n’avaient plus en cet instant l’éclat hagard de l’hallucination. L’intensité de l’expression, bien qu’anormale, était humaine. Le regard s’attachait à des objets réels, s’étonnait, s’appliquait, comparait. Contemplant les deux hommes