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l’abbaye d’évolayne

l’âme coupable qu’il eût voulu racheter au prix de son sang. Mais il ne savait pas à quel monde elle appartenait, ni s’il pouvait l’atteindre encore ici-bas et l’aider à se repentir. La lettre qu’il tenait dans la main avait été apportée à midi. Or quelques heures suffisent pour détruire une vie qui parfois pourtant oppose à la mort une résistance interminable. Peut-être pouvait-il arriver à temps. Il se mit à courir dans l’ombre, descendant la route en lacets, plus longue mais plus facile que le sentier des bois. Dix minutes plus tard il arrivait devant l’hôtellerie. Elle n’était que faiblement éclairée, car, à cette époque de l’année, passants, pèlerins, excursionnistes ne s’y attardaient guère après le coucher du soleil. Sur le pas de la porte, l’aubergiste, sa femme et une jeune servante se tenaient debout, avec l’expression morne, hostile et anxieuse de ceux qu’un événement tragique arrache brutalement au déroulement quotidien de leurs habitudes. Dès que le moine eut prononcé le nom d’Adélaïde :

— Ah ! vous venez pour cette pauvre dame, s’écria l’homme, en s’efforçant de prendre un vague accent de compassion pour voiler sa mauvaise humeur. Les médecins viennent de partir. Il paraît qu’elle est très, très mal. On aurait dû tout de suite l’emmener à la ville dans un hôpital. Comment la soigner ici ?… ce n’est pas raisonnable… Nous avons fait pour le mieux, mais le père Stéphane ne veut plus personne.

Dom Athanase monta au premier étage. Un tumulte de voix et de plaintes le guida vers une porte à laquelle il frappa sans recevoir de réponse. Il l’entre-bâilla alors avec précaution.