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l’abbaye d’évolayne

rence du promeneur qui erre sans but défini, s’approcher peu à peu du religieux, l’examiner à la dérobée et, soudain, dans un grand élan, tous deux se reconnurent, se précipitèrent l’un vers l’autre. Après les premières effusions, ils revinrent en causant vers Adélaïde. De loin, curieusement, elle observait le moine. De moyenne taille, il avait un visage neutre et obscur, des traits aigus, des cheveux si rares que la tonsure en couronne s’y voyait à peine. Ses lèvres, dès que la parole ou le sourire ne les entr’ouvrait plus, se fermaient, se serraient fortement l’une contre l’autre en une moue volontaire, comme closes à jamais par le vœu du silence. Michel, s’arrêtant devant sa femme, la désigna à son ami :

— Permettez-moi de vous présenter, dit-il… Mais, cédant brusquement à un sentiment de malice ou de rancune, Adélaïde, lui coupant la parole, acheva :

— Un léger paquet de chiffons.

Le moine parut stupéfait. Et lorsque Michel, fort confus, l’eut obligé à reconnaître dans cette exclamation inattendue ses propres paroles, il éclata de rire. Puis l’homme du monde, reparaissant sous le prêtre, il s’inclina devant Adélaïde :

— Ah ! madame, dit-il, c’est une trahison de la part d’un ami en qui je me confiais, et vous voyez que le silence est d’or puisque, de toutes les opinions, plus ou moins réfléchies, que j’ai pu exprimer autrefois devant Michel, il n’a retenu que cette seule remarque, si peu charitable. J’espère que vous ne me jugerez pas sur la boutade du gamin que j’étais.

Sa franchise cordiale plut à Adélaïde. À son