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l’abbaye d’évolayne

la flanquait sur la gauche. Sa façade donnait sur une grande esplanade et ses dépendances s’étendaient sur la droite, au bord de la route qui longeait le haut du coteau. Nulle clôture autour d’elle. Accessible à tous, accueillante, elle attendait le pèlerin et le voyageur et semblait, dominant tout le paisible paysage, haussant jusqu’à la nue le signe de ses deux tours, appeler à elle ceux qui passaient au loin dans la vallée. Les draperies des nuages formaient un fond changeant à cette masse de pierre. À cette heure où le soleil éteint ne les colorait plus, elles prenaient une teinte très douce, à la fois blême et bleuâtre. Sur la place, des moines, en petit nombre, passaient et repassaient. Avec leur tonsure en couronne, leurs longs scapulaires, leurs ceintures de cuir, ces silhouettes sortant du fond des âges, ressuscitaient un monde si étrange qu’Adélaïde, en y pénétrant à l’improviste, se sentit soudain gênée d’être femme et vêtue de blanc. Elle s’enveloppa de sa cape noire. Michel s’était arrêté comme elle. Ses regards exprimaient la surprise et une sorte de ravissement. Tout à coup, il tressaillit, désignant un moine qui, debout près d’un amas de branches coupées, parlait à un frère convers, incliné devant lui.

— Si mes souvenirs ne me trompent pas, chuchota-t-il, je crois bien que c’est lui, Darbaud, le père Athanase.

— Il faudrait vous en assurer, murmura Adélaïde à mi-voix, car elle craignait de troubler le divin silence.

Alors tandis qu’elle demeurait à la même place, Michel s’éloigna. Elle le vit, affectant l’indiffé-