Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/243

Cette page a été validée par deux contributeurs.
231
l’abbaye d’évolayne

Sans révolte, mais sans faiblesse, Michel plaida la cause de sa femme :

— Je ferai ce qui me sera ordonné, dit-il, mais je crois qu’il serait dangereux de la repousser brutalement. Elle souffre, elle ne comprend pas le sens de sa vie, elle croit avoir perdu la foi. Elle n’est point venue vers moi pour me détourner de mes devoirs, mais parce qu’elle n’a pas d’autre ami. Dois-je lui refuser le secours spirituel qu’à tout autre qu’elle j’accorderais ? Il me semble que ce serait une cruauté. C’est une âme désemparée qui peut tomber très bas si nul ne la relève et elle n’écoute que ma voix.

Le père Athanase, jetant sur son ami un vif et profond regard, le vit, déchiré par la douleur d’Adélaide, mais ferme dans sa foi, prêt à l’obéissance :

— C’est bien, dit-il plus doucement, je réfléchirai. Demain j’avertirai le père Abbé, nous examinerons ce qu’il convient de faire. Mieux vaut en effet ne pas brusquer les choses. J’ai l’impression que votre femme rentrera quelque jour au couvent, car on ne perd pas ainsi la foi après l’avoir retrouvée. Que peut-elle faire au reste dans le monde, ayant un mari vivant et prêtre ? C’est une situation gênante et affreuse pour elle. Si elle n’est pas assez forte pour supporter l’existence claustrale, on peut l’orienter vers un ordre plus doux, hospitalier ou enseignant. Je verrai, je me renseignerai. Aujourd’hui recevez-la encore, puisque vous le lui avez promis. Tâchez de l’apaiser, de la tourner vers Dieu. Plus tard, j’agirai à mon tour. Je comprends combien le sort de cette âme doit vous préoccuper. Elle passe par des voies bien étranges et c’est