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l’abbaye d’évolayne

si lourd battait, montait dans ses artères comme une subite poussée de sève. Une dangereuse illusion de nouveau l’enchantait, abolissant ses craintes. Elle ne pouvait rien contre ce soulèvement de l’espoir. Et toute palpitante, elle courut vers Michel.

Lui aussi, bien qu’elle l’accusât d’indifférence, avait beaucoup souffert par elle et passé une grande partie de la nuit dans l’inquiétude. Si, tout d’abord, il avait cru tout sauvé par le seul fait qu’elle lui revenait, il s’était bien rendu compte que ce retour n’arrangeait rien. Tandis que, dans la solitude, elle évoquait ses moindres paroles, lui se rappelait les siennes avec un tourment presque égal. Sans bien pénétrer la gravité du mal dont elle se plaignait et tout en faisant la part de « l’exagération féminine », il mesura combien sa tâche serait difficile et de quel poids cette femme, la sienne, allait charger sa vie. Ayant vainement cherché à se tracer une ligne de conduite qui conciliât ses devoirs humains avec ses devoirs religieux, il alla, après les matines, exposer ses difficultés au père Athanase, son directeur et son ami.

Celui-ci s’apprêtait à partir pour Namur. Le temps lui manquait pour examiner un cas aussi grave et qui le prenait tout à fait au dépourvu. La présence d’Adélaïde à Évolayne l’effraya tout d’abord beaucoup. Il l’imaginait déjà provoquant un scandale, réclamant son mari, aussi se montra-t-il sévère :

— Qu’elle reparte, qu’elle reparte au plus tôt ! s’écria-t-il, sa place n’est pas ici. Il faut qu’elle comprenne qu’elle n’a plus aucun droit sur vous. Je ne puis vous autoriser à la recevoir ainsi librement.