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III

Il n’est point vrai qu’un beau jour dispense à toute la nature les mêmes bienfaits, à toutes les créatures la joie. Le plus riant soleil ne pénètre pas au delà de certaines ombres. Il ne réchauffe point le cœur enseveli dans sa peine, la chair que l’agonie dévore.

Sur la route qui conduisait à l’abbaye gisait, ce matin-là, une musaraigne qui achevait sa courte vie. L’ennemi qui l’avait rejointe et terrassée en cet endroit s’était enfui sans l’achever, effrayé sans doute par quelque approche. Elle saignait, blessée, le côté ouvert, une patte à demi mangée, lorsque Adélaïde l’aperçut et s’arrêta pour l’examiner. Mais elle ne sut comment la soulager, ni quel remède pouvait convenir à ce faible corps si menu qui palpitait encore. Elle se borna à le recouvrir de feuilles fraîches pour le préserver des mouches, à l’écarter du passage, afin que quelque enfant ne s’en amusât pas cruellement. Puis elle s’éloigna, portant cette humble souffrance ajoutée à la sienne.

Bien qu’elle fût en avance sur l’heure du rendez-vous, elle ne pénétra pas dans l’église abbatiale, étant trop lasse pour prier, mais elle gagna dans les bois l’endroit désigné par Michel, le banc placé