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l’abbaye d’évolayne

office, celui des complies, avait lieu à huit heures et demie. Michel proposa :

— Voulez-vous que nous y assistions Adé, si vous n’êtes point trop lasse ?

— Au contraire, la marche me reposera.

Une route en lacets montait vers l’abbaye. Elle était bordée, à gauche, par des bois, à droite, par des taillis et des buissons bas qui laissaient entrevoir, par échappées, la vallée, les prairies vertes entourées d’une haie ou d’une mince ligne d’arbres. Le ruisseau y courait, caché entre ses rives étroites, reconnaissable pourtant au brouillard bleu qui se formait sur ses bords et serpentait avec lui dans les herbages.

Adélaïde, par tous ses sens, reprenait contact avec la nature, respirait avidement les parfums épars, écoutait tous les chants et tous les silences de la campagne. Elle ouvrait ses bras à la brise fraîche. Elle arrachait des poignées d’herbe, des feuilles, des écorces, les pressait dans ses mains pour leur donner l’odeur de la terre, des prairies, des forêts. Tandis qu’elle se jouait ainsi, Michel marchait de son grand pas égal, absorbé dans ses souvenirs. Devinant ses pensées, elle revint vers lui, demanda :

— Parlez-moi du père Athanase.

— Ah ! dit-il, nous étions d’étranges amis. Toujours en désaccord, nous ne cessions de nous combattre. Nos discussions se prolongeaient interminablement et, dans l’intervalle, nous n’étions occupés qu’à rassembler des arguments l’un contre l’autre. Darbaud ne croyait qu’en Dieu. Moi j’adorais à deux genoux la science. J’étais certain qu’elle allait établir sur la terre un paradis. La guerre ne