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l’abbaye d’évolayne

cet être replié, caché, qui écoutait, pesait ses moindres mots pour rendre un arrêt motivé.

Elle se mit à parler péniblement.

— J’ai quitté Helmancourt, parce que j’ai reconnu que je m’étais trompée sur ma vocation. Cela vous semble étrange, cette découverte faite seulement après sept ans ? On peut vivre très longtemps d’une illusion qui un jour se dissipe, vous laissant dans le vide. Pourquoi ? Nul ne l’explique : c’est la bulle de savon qui crève brusquement, non parce qu’elle a rencontré un obstacle, mais parce que sa vie limitée s’achève. Alors j’ai compris mon erreur : Dieu ne m’avait pas appelée ; le cloître était une prison pour moi. J’ai fui. J’ai étudié, réfléchi, prié, j’ai tenté de mener dans le monde une vie utile et noble, je me suis occupée des pauvres, des malades. Là encore, j’ai échoué. Je ne savais pas pratiquer la charité. Je n’avais pas reçu ce don qui permet de consoler les autres : un cœur plein de pitié n’y suffit pas et au lieu de gagner une certitude quelconque, je perdais celles que j’avais cru posséder. Maintenant je n’ai même plus la foi !

Ah ! ces pauvres mots ! comme ils expliquaient mal la longue crise où elle s’était débattue, sa lutte, sa défaite. La douleur ne pèse de tout son poids sur l’âme qu’aux heures de solitude. Une présence aimée ou étrangère l’allège. Adélaïde, au moment où elle aurait voulu exprimer toute sa détresse ne la sentait plus et, sa misère n’étant qu’un souvenir, elle ne parvenait pas à en faire une réalité pour celui qui l’écoutait. Aussi ne s’en émut-il pas.

— Je reconnais mon impulsive Adé, dit-il avec