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l’abbaye d’évolayne

— Ici et là, un peu partout, ces derniers temps en Haute-Savoie.

— Qu’est-ce qui vous y attirait ?

— Rien de spécial. Qu’importait que je fusse là ou ailleurs ?

— Je ne comprends pas bien. Rappelez-vous, Adé, que je ne sais rien de vous depuis très longtemps. J’ai appris un jour avec stupeur que vous demandiez à être relevée de vos vœux. On m’a dit que vous étiez malade, que l’atmosphère du cloître ne vous convenait pas. J’ai réclamé souvent d’autres explications qui me furent refusées. Il m’a fallu accepter cette ignorance qu’on m’imposait. Ah ! c’est l’unique fois où l’obéissance m’ait paru bien cruelle. Il y a six mois à peu près, le père Abbé m’autorisa à vous écrire. La mère Hermengarde l’en avait prié, car elle était sans nouvelle de vous et s’inquiétait d’avoir perdu votre trace. Je vous ai adressé plusieurs lettres chez Maurice, le priant de vous les transmettre. Il m’a répondu qu’il n’en ferait rien, que vous aviez besoin de repos, que vous étiez en voyage.

— En effet, j’ai changé souvent de résidence. J’ai vécu à Arcachon, dans les Vosges, à Nice, à Lyon, un peu partout.

— Par ordre du médecin sans doute ?

— Au début, oui, puis j’ai cessé de me soigner. Je désirais la mort, mais elle n’a pas voulu de moi.

— Que faisiez-vous, traînant cette existence errante ?

— J’ai beaucoup lu, beaucoup étudié. Je pensais à vous. J’ai aussi beaucoup pleuré.

Il dit avec une grande compassion mêlée de sévérité :