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l’abbaye d’évolayne

que longeait le ruisseau, s’étendait une grande prairie surmontée par l’abbaye.

— Nous la verrons à tous moments, dès notre réveil, s’écria Michel.

— Bonheur ! railla Adélaïde. Vous voilà amoureux !

Ils dînèrent sous une tonnelle en plein air et ils ne cessaient de regarder la haute forme de pierre dont l’ombre s’étendait très loin sur la vallée. Pour ces intellectuels, fatigués des spectacles du monde moderne, la religion présentait un intérêt à la fois archaïque et vivant qui les passionnait tout à coup. Ils avaient lu Huysmans. Ils connaissaient par lui les grandeurs de l’ordre bénédictin, ordre qui n’a point jeté l’anathème sur la beauté, ordre artistique dont le but est d’honorer Dieu par une liturgie, des pompes, des rites très anciens que lui seul, résistant aux innovations malheureuses des paroisses, conserve dans toute sa pureté. Cette conception de la vie religieuse plaisait à Michel comme à Adélaïde. Ils se réjouissaient de pouvoir assister à de belles cérémonies et leur curiosité n’était point superficielle, mais grave, émue, déférente, À défaut de foi, ils avaient assez de profondeur dans l’âme pour admirer ces moines qui, là-haut, du matin au soir et de l’adolescence à la vieillesse, n’avaient d’autre occupation, d’autre devoir que de chanter les louanges de Dieu. Cette attitude de l’homme, indifférent à tout ce qui est de la terre, absorbé dans un perpétuel dialogue avec le ciel, leur semblait singulièrement noble.

Le jour déclinait à peine lorsqu’ils achevèrent leurs repas. Michel demanda si l’abbaye était encore ouverte. La réponse fut affirmative. Un dernier