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l’abbaye d’évolayne

elle s’effraya de n’avoir point reconnu de loin la silhouette qu’elle cherchait. Par un revirement subit la pensée que Michel était peut-être absent lui causa une souffrance aiguë. L’attente, tout à l’heure amoureusement subie, devint un supplice qu’elle douta de pouvoir supporter s’il se prolongeait un jour encore ou quelques heures. Hâtivement, elle sortit de l’église, gagna la petite librairie où les touristes achetaient des images pieuses, des livres, des chapelets. Elle aborda le frère portier, demanda le père Stéphane, appréhendant une réponse négative. Mais le religieux, sans faire aucune réflexion, répéta seulement :

— Le père Stéphane ! Bien ! Je vais l’avertir.

Elle lui tendit la lettre qu’elle avait préparée. Il la fit alors entrer dans un des nombreux parloirs où, maintes fois, elle avait attendu le père Athanase. Tous se ressemblaient. Tous étaient de même dimension, meublés pareillement d’une grande table ronde et de quelques chaises. Un crucifix et, en face, un portrait du pape ornaient seuls les murs. Sur les vitraux incolores des fenêtres, placées très haut l’ombre des arbres bougeait au moindre souffle du vent.

Demeurée seule dans cette pièce, Adélaïde attendit encore durant un temps qu’elle n’évalua pas. Debout, le regard attaché sur la porte, elle ne pensait plus. Elle écoutait en elle le battement de ses artères, le grondement de sa vie, jusqu’au moment où ce sourd tumulte fut dominé par le bruit d’un pas qui s’approchait. La porte s’ouvrit. Le miracle tant rêvé s’accomplit : le vide devant elle fit explosion, s’émietta en lambeaux, déchiré par une présence qui l’occupa soudain tout en-