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l’abbaye d’évolayne

d’abord, elle s’étudia longtemps au miroir, cherchant sur sa figure les traces qu’y marquent chaque année. Cet examen, bien que minutieux, ne lui découvrit que quelques insignifiants ravages. Le pli qu’elle avait autour de la bouche s’était accentué. Il la vieillissait à certains jours, quand elle était fatiguée. Aujourd’hui, s’accordant avec la langueur brûlante de son regard, ce pli pathétique soulignait seulement le caractère passionné de sa physionomie. Elle discernait aussi autour des paupières, le long des tempes, sur les joues quelques places froissées et, après avoir massé son visage, le farda délicatement. Parce qu’elle prévoyait que Michel lui prendrait au moins les mains, elle leur donna des soins infinis. Puis une pensée lui vint qui la glaça : « Il est prêtre, je ne suis plus une femme pour lui ! » Craignant de lui déplaire, elle effaça presque complètement sur ses pommettes et sur ses lèvres l’éclat du rouge. Elle choisit une robe toute simple en crêpe de Chine imprimé noir et gris, une courte cape de satin noir, un béret de velours qu’enserrait un long voile de tulle brodé qu’elle enroula autour de son cou nu. Elle ne mit aucun bijou, nulle parure.

Sa toilette achevée, elle écrivit un mot pour son mari. Alors son émotion changea de nature, devint anxieuse, fiévreuse, puis dégénéra en peur panique, quand, entrant dans l’abbaye, elle s’aperçut que les vêpres allaient finir, que quelques minutes à peine la séparaient de l’entrevue projetée. Dans sa faiblesse et sa terreur, elle fut tentée de s’enfuir, remettant au lendemain sa démarche. Cependant, lorsque les moines après l’office, quittant le chœur, regagnèrent en un lent défilé la porte de clôture,