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l’abbaye d’évolayne

blaient subir, confiants, sa domination paisible. Michel la considérait avec attention.

— Il est beau qu’elle soit ainsi seule, dit-il enfin. Beaucoup de contrées sont plus majestueuses mais elle donne à celle-ci une âme. Elle est, parmi ces choses passives, le signe de l’homme, le signe de Dieu.

— Elle a pour ouailles les oiseaux, reprit Adélaïde, à son tour séduite. Elle est la paroisse des papillons, des abeilles, des bois, des coteaux : Notre-Dame-des-Solitudes !

Ils repartirent. Par moments, un tournant de la route, un accident de terrain leur cachait l’abbaye. Ils la cherchaient alors et, dès qu’elle réapparaissait, ils se la désignaient du geste et du regard. Ils s’arrêtèrent au bas de la colline qui la portait à sa proue. Là, dans la vallée, auprès de la gare d’Évolayne, isolée en pleine campagne, une auberge, toute petite, mais d’aspect coquet s’offrait. Elle avait un nom charmant : « Hôtellerie de la Drachme perdue ». Adélaïde battit des mains :

— Ravissant ! Tout est biblique en ce pays. Je veux y manger le plat de lentilles convoité par Esaü, y boire le vin des noces de Cana. Là-bas, c’est le puits de la Samaritaine, plus loin, le fumier de Job.

Ils trouvèrent sans difficulté deux chambres gentilles et claires. Un crucifix, un rameau de buis bénit au-dessus de chaque lit distinguaient cet hôtel de tous ceux où ils s’étaient arrêtés. Ils entraient dans une sorte de terre sainte où les voyageurs portaient le nom de pèlerins. Devant leurs fenêtres, au delà de la route et de la voie ferrée