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l’abbaye d’évolayne

sollicitude… Je sais que vous venez de traverser une longue et pénible crise.

— Oui… balbutia-t-elle… très longue… depuis près de deux ans, je suis abandonnée… Nulle lumière…

Elle l’entendit soupirer derrière la grille et sa voix exprimait une compassion profonde lorsqu’il reprit :

— J’avais beaucoup prié pour que cela vous fût épargné, pour être choisi à votre place, si l’un de nous devait souffrir.

Elle demanda avidement :

— Vous avez donc souffert aussi ?

— Nous sommes au cloître pour cela, répondit-il paisiblement — car sur lui la morsure du regret avait été assez bénigne pour qu’il pût en parler légèrement. — La douleur accompagne toute notre vie. Elle est le grand présent de Dieu, le signe de son alliance avec nous. Et parfois elle nous fait peur, parce que notre chair est faible, mais il suffit de la considérer avec amour, avec douceur, pour qu’elle prenne aussitôt un aspect adorable. J’ai eu mes heures d’aridité, d’angoisse, mais je ne me suis jamais laissé troubler. J’étais certain, quand je me trouvais dans une totale misère spirituelle, qu’une main toute-puissante s’étendrait bientôt sur moi, et toujours il en fut ainsi. Ah ! je voudrais vous transmettre mon espérance. Soyez ferme, soyez calme, ne doutez pas de Dieu, ni de vous-même. C’est un véritable miracle qui vous a jetée dans la voie où vous êtes et aucune tentation ne triomphera de vous, si vous ne perdez pas de vue les grâces reçues.

Il parlait avec une absolue confiance. Elle avait