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l’abbaye d’évolayne

cruelle lui permettait un repos plus profond et l’affection de la mère Hermengarde lui était douce, car elle n’avait jamais eu d’amie femme.

— Ah ! j’étais bien ici, ma mère, dit-elle à l’abbesse, la veille de son départ, j’étais en paix.

— Je pense, dit la religieuse, que vous y reviendrez et pour toujours.

Une fois encore, Adélaïde expliqua ses doutes au sujet de sa vocation. La mère Hermengarde croyait à la grandeur de l’amour humain.

— Il a sa source en Dieu, dit-elle, pourquoi ne conduirait-il pas vers lui ? Vous le savez, mon enfant, c’est au ciel que doivent se reformer et s’accomplir les unions imparfaites qui s’ébauchent seulement dans le monde. Ah ! si nous considérons les choses sur le plan éternel, qu’est-ce que cette vie, si brève ? Qu’est-ce que le sacrifice d’un instant ? Celui qui vous est demandé aujourd’hui vous étonne, car votre bonheur n’était point impie. Qui sait ? Peut-être couriez-vous le risque, hypnotisée par la créature, de la trop préférer au créateur, peut-être aussi avez-vous été choisie pour réparer, par un exemple exceptionnel, le scandale des divorces et des adultères qui, de nos jours, se multiplient sans fin. Quoi qu’il en soit vous n’avez rien à perdre. Allez, donnez votre bonheur puisque, je le répète, il ne s’agit que d’un instant, Séparée de votre mari, vous le sentirez plus près de vous. Dieu ne vous le prend que pour vous le rendre, quand vous aurez appris, aux pieds des autels, ce qu’est le véritable amour.

Ce langage noble et brûlant souleva Adélaïde au-dessus de la terre. Une journée encore, elle